Psychothérapie intégrative

Comme l'affirment Lecomte et Castonguay (1987), il n’y a pas de modèle de psychothérapie meilleur qu’un autre. Par ailleurs, les études comparatives de Huber (1993) aboutissent également à des conclusions consensuelles : les psychothérapies sont efficaces, quels que soient le type de thérapie et les modalités de traitement. En outre, elles produisent les mêmes effets. Enfin, elles sont d’une efficacité comparable à celle des médicaments, lesquels peuvent néanmoins accroître cette efficacité. Selon Mc Dougall (1988), il est donc nécessaire d’avoir une considération égale pour les autres théories, afin de prendre du recul par rapport à sa propre "famille". En effet, chacune des approches psychothérapiques dispose de forces thérapeutiques propres, permettant de traiter un "invisible" spécifique du psychisme humain. Aussi ma pratique s'inspire-t-elle essentiellement des courants suivants.

La psychanalyse

Quand Freud inventa la psychanalyse en 1896, il délaissa la technique de l’hypnose (Wolf, 1995), pour celle de l’association libre des idées (Moro et Lachal, 1996). Puis, il apporta de nombreuses modifications à sa théorie et ses techniques, jusqu’en 1938. La psychanalyse doit permettre l’interprétation des conflits intrapsychiques inconscients. Ceux-ci apparaissent dans le cadre de la cure sous la forme du transfert.

Les trois règles du dispositif psychanalytique sont la position (allongée sur un divan) du patient, la régularité et le paiement des séances (Ionescu, 1994). La règle fondamentale consiste à faire verbaliser au patient tout ce qui lui vient à l’esprit. L’analyste suit la règle de l’attention flottante, c'est-à-dire en contraignant au minimum son écoute (Laplanche et Pontalis, 1973). Il doit être neutre, bienveillant et abstinent. L’objectif est de remplacer la névrose du patient par une névrose de transfert qui sera traitée par le psychanalyste. Les réactions inconscientes de ce dernier constituent le contre-transfert (Laplanche et Pontalis, 1967), qui peut être également analysé.  

Psychanalyse
Psychanalyse

Certaines conceptions de la psychanalyse peuvent avoir des codes plus particuliers. Par exemple, en psychanalyse Lacanienne, les séances "à durée variable" doivent nécessairement s’achever sur un moment-clef de l’élaboration du patient. Les psychothérapies psychanalytiques se déroulent en face à face et sont considérées comme des applications de la psychanalyse, différentes de la "cure type". Les critiques les plus fréquemment exprimées à l’encontre du modèle psychanalytique portent principalement sur la place accordée à la sexualité et le déterminisme de l’inconscient.

Les approches humanistes (existentielles)

La naissance des psychothérapies existentielles, dans les années 1920, est attribuée à Binswanger sous le terme de "dasein-analyse" (Richard, 1994). Contrairement à la psychanalyse, il ne s’agit pas d’interpréter l’inconscient, mais d’accroître la conscience de soi et d’aider le patient à trouver en lui la force nécessaire à son accomplissement personnel. Dans les interventions du psychothérapeute, l’empathie est nécessaire alors que les interprétations et les jugements sont proscrits car considérés comme réducteurs. Les concepts-clefs de cette approche sont les notions d’être, de vécu, d’existence, d’intentionnalité et d’expérience subjective et intersubjective. Le symptôme est considéré comme une tentative d’expression de l’expérience subjective du patient (Maurer, 2001). Il s’agit donc de comprendre le sens des symptômes plutôt que d’en expliquer la cause.

Il existe une pluralité de méthodes qui partagent cette même philosophie d’authenticité et de respect de la personne. Les thérapies corporelles y occupent généralement une place importante (bio-énergie, relaxation, sophrologie, massage, etc). La relaxation peut être considérée comme une "technique d’hygiène mentale" en elle-même ou comme support à la psychothérapie, avec la visualisation d’images ou l’expression de sensations et de pensées.

La Gestalt-thérapie

L’une de ces psychothérapies existentielles est la gestalt-thérapie de Perls. Ses premiers écrits remettant en cause la méthode psychanalytique remontent à 1942. La Gestalt-thérapie peut se pratiquer en groupe ou de manière individuelle. Elle repose sur trois concepts-clé : la posture du thérapeute doit être dialogale (Je-tu), herméneutique (le sens doit être construit à deux) et centrée sur le processus. Le principe de la Gestalt est de de faire émerger n’importe quelle forme et lui faire prendre sens. Le travail porte plus sur les sensations et les émotions que sur la pensée, sur le "comment" que le "pourquoi", et sur la prise de conscience du processus dans "l’ici et maintenant" (le phénomène existentiel) que sur le recours à l’inconscient et aux évènements passés. Il est toutefois possible de rattacher le vécu du patient avec la forme qui émerge. L’invisible sur lequel porte le travail thérapeutique est appelé "conscience sensible".

Le système immunitaire ayant besoin des émotions, l’autocensure va produire un phénomène corporel. En postulant que tout ce qui ne peut être crié va s’inscrire dans l’organisme, mais sans imposer sa conception, le thérapeute va observer les protections de l'organisme par rapport à l'environnement : les tensions dans les muscles, sur le visage, la gestuelle, la respiration, etc. Il va ensuite tenter de réguler ce processus pour aboutir à un sentiment de plénitude (la confluence). Il doit également favoriser la prise de conscience de la manière dont le sujet fonctionne. D’après Blanchet (1998), dans toute psychothérapie, « la logique du patient est habituellement appelée résistance ». En Gestalt-thérapie, il ne s’agit pas de briser les résistances mais de les rendre conscientes et les valoriser, car dans toute résistance, il y a une part pathologique et une part saine. L’objectif est d’élargir le champ des possibles, d’augmenter les capacités d’adaptation à des contextes différents et d'apporter un meilleur épanouissement du potentiel latent : « Le normal doit se définir, non par l’adaptation mais au contraire, par la capacité d’inventer de nouvelles normes » (Ginger, 1994).

L'approche non-directive

La "client-centered psychotherapy" est une méthode d’inspiration analytique élaborée en 1954 par Rogers. Elle s’appuie sur la capacité du "client" à trouver lui-même les réponses nécessaires à l’amélioration de son fonctionnement. La non-directivité signifie l'abstention de toute forme d'intrusion dans les opinions et les choix du patient. L’empathie et l’écoute sont alors les deux qualités essentielles du psychothérapeute. L’invisible qui est au cœur du travail thérapeutique n’est plus l’inconscient mais le niveau conscient-réfléchi (Mucchielli et Degand, 1970). Le psychothérapeute utilise ses propres émotions pour orienter et reformuler le discours du patient. Il s'agit de l'aider à s'accepter tel qu'il est et à prendre confiance en lui tout en développant ses capacités d'autonomie.

L’analyse transactionnelle

L’analyse transactionnelle est un autre exemple de méthode dérivée de la psychanalyse et rattachée au courant humaniste. Elle fut élaborée par Eric Berne en 1960. L’analyse transactionnelle postule l’existence de trois Etats Du Moi (EDM) : Parent, Enfant et Adulte. Il s’agit de réécrire les scénarios de vie qui déterminent les actes des patients en les réinterprétant en fonction de ces trois états. Les interventions possibles du psychothérapeute sont vastes : prescription de comportements, relaxation, reformulations neutres, analyse cognitive, suggestion directe (Brusset, 2003). Aussi peut-on considérer la méthode de Berne comme une approche éclectique de la psychothérapie.

Les psychothérapies influencées par la psychanalyse ou la psychologie existentielle sont généralement dites "non directives", comparativement aux méthodes "directives" comme les approches systémiques et les thérapies comportementales et cognitives.

Les approches systémiques

L’approche systémique est issue des travaux de Bateson sur la cybernétique, la théorie des systèmes et l’anthropologie. Les membres de son groupe de recherche fondent le Mental Research Institute en 1959, puis le Centre de thérapie brève en 1967, proche de la ville de Palo Alto en Californie. La pensée systémique porte sur l’interaction entre l’individu et son environnement. Ce n’est pas la personne "malade" qui dysfonctionne, mais l’interaction entre les éléments du système auquel elle appartient. On s’intéresse à l’interpsychique sans entrer dans la "boîte noire" (l’intrapsychique). Le repérage et le traitement des paradoxes sources de souffrance doit permettre d’aboutir à une nouvelle homéostasie (équilibre interne) du système. Cette approche se distingue en deux principales méthodes d’intervention thérapeutique : la thérapie brève et la thérapie familiale.

La thérapie brève systémique

La thérapie brève systémique est une méthode de résolution des problèmes humains reposant sur une analyse logique et factuelle de l’apparition et du maintien des symptômes. C’est une approche stratégique : le thérapeute ne cherche ni la cause ni l’interprétation des symptômes.

Selon Watzlawick (1975), « le problème c’est la solution » : la tentative de résolution du problème l’amplifie et il faut donc agir sur ces tentatives de solutions. Puisque les problèmes découlent d’un paradoxe, c’est avec un autre paradoxe (sous forme de prescription comportementale) que le thérapeute va tenter de résoudre cette situation. Plus le problème sera ancré et répétitif et plus cette méthode sera efficace.

La thérapie familiale systémique

A la différence de la thérapie brève, cette méthode de traitement de la communication au sein du système (couple ou famille) est fondée sur une interprétation de son fonctionnement par le thérapeute : « Tout comportement individuel est une réponse à une suite de règles normales et prévisibles qui gouvernent le groupe familial, bien que ces règles puissent ne pas être consciemment connues de lui et de sa famille » (Satir, 1964). L’analyse des rôles, fonctions, intérêts et enjeux de chacun, ainsi que des coalitions et adversités entre les membres du système, va apporter de nouvelles perspectives de fonctionnement. Ainsi, le "patient désigné" (présenté comme la source des problèmes) va-t-il être appréhendé sous l’angle de sa fonction homéostatique (contribuant au maintien du fonctionnement du système) et des bénéfices secondaires que son statut prodigue aux autres membres. Durant chaque séance, le thérapeute va favoriser les échanges entre les membres du système et identifier leurs interactions pathologiques, afin de rétablir une communication plus saine.

Thérapie systémique
Thérapie systémique

Les TCC sont issues du rapprochement opéré au début des années 60 entre les thérapies comportementales, visant la correction des comportements, et les thérapies cognitives postulant l’existence de "cognitions erronées". Dans les deux cas, le traitement porte sur de "mauvais apprentissages". L'objectif est de corriger les raisonnements erratiques afin de modifier le comportement et les sentiments.

Les thérapies cognitivo-comportementales sont des thérapies brèves, de trois à six mois, au terme desquels est évaluée l’atteinte des objectifs thérapeutiques. Le travail thérapeutique se focalise sur le présent. Le praticien est directif et pédagogique. Il peut avoir recours à des suggestions, des conseils et des informations ainsi qu'à des techniques spécifiques comme la "découverte guidée" des pensées ou la prescription de comportements. La vision du patient n’est pas rejetée mais comparée à d’autres visions alternatives (Ionescu, 1994). Le thérapeute formule avec le patient des hypothèses de travail et dispose d’outils pour vérifier la validité de ses méthodes. La preuve de l’efficience de la thérapie se fait par le changement du comportement manifeste des usagers (Kazdin, 1982). Après modification des schémas cognitifs inadaptés, les dernières séances sont consacrées à un bilan de la cure ainsi qu'à une identification des situations à risque et des méthodes dont le patient dispose pour les affronter. Dans l’idéal, le patient peut devenir son propre thérapeute, après avoir identifié sa partie "adulte/responsable" pour combattre sa partie "enfant/malade".

Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC)

Les avantages de ce type de méthode sont de s’adapter aux conceptions actuelles de la médecine et de proposer une efficacité à court terme (et donc à moindre coût) facilement évaluable. En outre, comme les réponses inappropriées résultent de mauvais apprentissages, la responsabilité n'en revient pas au patient ni à son entourage. Cela permet donc d’éviter la culpabilisation ainsi que les phénomènes de transfert et de contre-transfert, du moins en théorie. Une des limites des TCC fréquemment avancée est leur inaptitude à expliquer les répercussions du passé sur le présent (Wright et Sabourin, 1987). Les Thérapies cognitivo-comportementales se veulent de plus en plus éclectiques. Les thérapeutes prennent souvent en compte la relation avec le patient et peuvent se montrer rassurants et bienveillants. Cependant, toute allusion à des concepts comme l’inconscient, l’imaginaire, le fantasme, le transfert (et donc le contre-transfert) est écartée (Brusset, 2003).

La thérapie cognitivo-comportementale
La thérapie cognitivo-comportementale

Complémentarité des approches

La première tentative de rapprochement entre les différents modèles psychothérapiques est la psychosynthèse d’Assagioli, élaborée après sa rencontre avec Freud et Jung en 1909. De nombreux auteurs ont ensuite proposé l’élaboration d’un cadre théorique régissant des méthodes d’intervention éclectiques. Ils en ont conclu la complémentarité de ces approches, que ce soit au niveau des techniques, des traitements, ou de l’intervention de plusieurs psychothérapeutes pour un même patient : « La combinaison de leur force thérapeutique peut produire un effet synergique sur le traitement » (Lecomte et Castonguay, 1987). Pour Naar (1970), des techniques comportementales peuvent, par exemple, accroître l’efficacité d’une psychothérapie d’orientation analytique en s’attaquant à un symptôme qui entrave l’élaboration du patient. Les méthodes humanistes peuvent également augmenter l’efficience des méthodes directives en y intégrant des notions relationnelles, affectives et expérientielles dans le rapport psychothérapeute/patient (Bergin, 1969). Il existe donc un terrain théorique propice à un rapprochement pratique en psychothérapie.

L’approche éclectique

Le mouvement éclectique est né dans les années 50. Il s’agit d’opérer le meilleur ajustement thérapeutique au cas singulier (Chambon et Marie-Cardine, 1992 ; Brusset, 2003). Le but est de déterminer quelle stratégie spécifique est la plus appropriée à un moment donné de la psychothérapie (Beutler et Consoli, 1992). Le modèle théorique de départ est enrichi par des interventions issues d’autres modèles dont les présupposés n’entrent pas en contradiction avec la méthode première. Suite à la multiplication de nouveaux modèles dans les années 60, on assiste au développement d’un fort engouement pour la conciliation entre les différentes approches. Alexander (1963) propose le rapprochement entre comportementalisme et psychanalyse. Sugarman (1977) préconise l’intégration de concepts humanistes au modèle psychanalytique. En outre, certains concepts psychanalytiques comme le transfert ou l’insight sont remaniés pour être intégrés au modèle behavioriste. Après ces tentatives d’ouverture des modèles théoriques, d’autres auteurs ont préconisé une approche intégrative des psychothérapies.

L’approche intégrative

L’approche intégrative vise à élaborer une théorie générale transthéorique et métathéorique de l’action psychothérapeutique. Il ne s’agit plus d’enrichir une méthode de base, mais de s’inspirer de plusieurs modèles pour en dégager les facteurs communs et spécifiques d’efficacité, et les intégrer à un modèle global. La théorie de l’efficacité de soi de Bandura (1977) ou le modèle général de Schwartz (1982) sont des exemples de modèles intégratifs d’orientations conceptuelles différentes. Des chercheurs issus de la psychologie cognitive expérimentale ont ainsi tenté d’élaborer un langage psychothérapique commun aux approches psychanalytique, humaniste et cognitivo-comportementale. Toutefois, nombre d’entre eux admettent que les principes philosophiques de ces approches sont en trop forte opposition pour qu’une telle intégration soit réellement possible. Pour Wright et Sabourin (1987), une théorisation universelle de l’esprit humain est illusoire et non souhaitable. Arkowitz (1989) suggère d’élaborer les modèles intégratifs en fonction des facteurs spécifiques de chaque théorie et non de rechercher une théorie universelle du processus thérapeutique.

Psychothérapie éclectique
Psychothérapie éclectique
Psychothérapie intégrative
Psychothérapie intégrative

Comment choisir son psychothérapeute ?

Il apparaît que chacun des principaux modèles psychothérapiques est adéquat pour traiter plus spécifiquement un aspect de l’attitude des patients : la pensée (psychanalyse), les émotions (approches humanistes), le comportement (thérapies cognitivo-comportementales). Un usager pourrait donc choisir son psychothérapeute en fonction du moment de sa vie où il aura plus besoin de comprendre, de ressentir ou d’agir. Toutefois, de plus en plus de professionnels se détachent de leur école initiale afin d’enrichir leur pratique d’outils issus d’autres obédiences. La pratique psychanalytique a elle-même évolué : la neutralité de l’intervenant, qui était une condition de respect du cadre thérapeutique (Langs, 1974), est souvent considérée comme secondaire à la bonne adaptation contextuelle (Gill, 1982 ; Kohut, 1984 ; Winnicott, 1965). En outre, les méthodes du praticien ne sont pas les seuls éléments à prendre en compte dans le choix du patient. Le sentiment d’être écouté et compris par une personne bienveillante prévaut souvent sur le rattachement à une école spécifique de pensée.

Loin des laboratoires de recherche théorique, les praticiens se retrouvent confrontés à la réalité du terrain. Ils reçoivent pour mission d’atténuer le mal-être de leurs patients tout en respectant les codes déontologiques inhérents à leur profession. Aussi, nombre d’entre eux ont-ils simplement recours aux stratégies thérapeutiques conformes à leur éthique qui leur permettront de mener à bien cette mission. Au fil de leur expérience, de leurs formations complémentaires et de leurs échanges avec d’autres professionnels, ils élaborent souvent une "boîte à outils" dans laquelle puiser en fonction de la situation qu’ils rencontrent. Au final, les référents théoriques du psychothérapeute importent moins que ses qualités humaines : sa pertinence, sa bienveillance et plus généralement le sentiment de confiance qu'il inspire sont certainement les éléments les plus déterminants dans l'établissement d'une alliance thérapeutique efficiente.

Comment choisir son psychothérapeute ?
Comment choisir son psychothérapeute ?